Notes de lecture de : Sans vous, je ne serais rien de Danielle Bastien. Paris, Vérone éditions, 2024
Nicole Stryckman
2024
Cahiers de psychologie clinique 2024/2 N°63 Pages 237 à 240
Le titre vaut la peine qu’on s’y arrête car il nous donne la grammaire de la condition humaine et la nécessité de la présence réelle de l’autre pour que l’infans puisse s’humaniser. Tous les personnages de ce roman, chacun dans sa singularité, sa personnalité et son histoire de vie, démontrent la justesse de cet énoncé du poète Kaôbô Abe : « L’homme ne peut se voir lui-même que par les yeux des autres. » La trame du récit, les protagonistes qui la construisent nous font découvrir combien les silences qui les entourent, l’inconscient qui les détermine sont comme une bande-son gravée dans leur corps, comme une pieuvre en souffrance.
L’écrit s’ouvre par le récit d’un rêve-cauchemar de Fiona. Nous ne sommes pas sans savoir que le rêve est la voie royale de l’ouverture de l’inconscient, encore faut-il pouvoir déchiffrer les figurations de celui-ci. C’est à ce travail que l’autrice nous convoque.
Fiona, personnage important du roman, est seule dans la vie. Celle-ci a basculé le jour du décès de sa mère dans un accident de voiture quand elle était toute petite. Quel âge, elle ne sait plus car rien ne lui a été dit sur ce drame. Où s’était-il passé – un trou noir. Pour la famille de son père, « Je n’étais qu’une trace déplorable de ce qui avait lié ma mère à mon père ». Après ce drame, Fiona s’est « glissée dans un corset comme si c’était attendu depuis toujours ». Son père, médecin, ne s’est jamais remarié et le silence a pris la place de l’Absente et de l’absence. Elle deviendra médecin généraliste, comme le « bon petit soldat qu’elle était », pour arrêter le gouffre dans lequel parfois elle craignait de tomber…Lacan (1955) a repris l’aphorisme freudien. Il l’a traduit et commenté comme suit : « Là où c’était, peut-on dire, là où s’était, voudrions-nous faire qu’on entendît, c’est mon devoir que je vienne à être . » Ne voit-on pas poindre l’idée d’une (re)naissance du sujet ? Cette métaphore de la naissance est d’ailleurs utilisée par plusieurs analysants en fin de cure. Pour désigner une des finalités de la cure, Lacan (1957) l’a aussi évoquée pour parler de la transformation du sujet malheureux en sujet « heureux de vivre » . Un peu plus tard (1986 [1959-1960]), il affirma qu’en passant par la reconnaissance de ses désirs refoulés, l’analysant, en arrive …