Membre fondateur d’Espace analytique Belgique nous a quittés en ce début d’été.
Régine avait travaillé de longues années à La Ramée, s’était particulièrement investie dans les questions autour des pathologies alimentaires et des problématiques adolescentaires qui émaillent la vie des humains,… à tout âge.
Lors de notre travail de fondation d’Espace analytique Belgique, lors de nos diverses réunions, de nos multiples réflexions autour de la construction d’une institution analytique, elle nous fut précieuse, pour son humour, ses remarques parfois décalées et néanmoins subtiles, pour son écoute, pour son attention à l’autre.
Fine, sensible, rigoureuse, intelligente, Régine était aussi lucide sur elle-même et la condition humaine.
Elle arpentait la vie avec ouverture, curiosité, bienveillance… Et courage
Emportée par une embolie pulmonaire, elle est décédée le 17 juin 2021.
Nous présentons ici, à sa famille et à ses proches nos plus sincères condoléances.
Avec notre meilleur souvenir.
Vanessa Greindl
Pour Espace analytique Belgique
Contardo Calligaris, notre vieux collègue et ami, est décédé ce 30 mars 2021. Il avait 72 ans. Un second cancer est venu à bout de son pourtant très puissant désir de vivre. Il était d’une grande intelligence et un infatigable voyageur. Parti d’Italie où il naquit en 1948, il étudia en Suisse avec Piaget, puis à Paris avec Roland Barthe. Il découvrit la psychanalyse et l’École freudienne de Lacan, avec lequel il fit un contrôle. Vint la dissolution de la dite École (1981). Il rejoignit alors les collègues lacaniens qui n’avaient pas voulu adhérer à L’École de la Cause, il fut et participa très activement à la création de l’éphémère Journal « Le discours psychanalytique » (1981) et du CERF (Centre d’études et de recherches freudiennes). Il en dirigea le premier numéro consacré à la psychanalyse dans la cité. Sortir la psychanalyse du cabinet et des petits cercles psychanalytiques fut un de ses soucis tout au long de sa vie. Ce furent nos premières rencontres. Il participa ensuite à la création de l’Association freudienne qui n‘était pas encore internationale. Il y organisa diverses journées d’études entre autres sur « Le discours de la liberté » et sur les « Glossolalies ». Il consacra deux ans de séminaire sur la féminité avec Martine Lerude. C’était un collègue inventif et rigoureux, passionné et d’une curiosité insatiable. Il parait qu’il aimait souligner lui-même que « Contardo » n’était pas loin de « contrario » : « Aller à contresens afin de trouver d’autres sens » (Alfredo Gil). C’est à cette époque qu’il publia deux livres. Le premier « Hypothèse sur le fantasme » date de 1983 et fut réédité en 2015. Le second, « Pour une clinique différentielle de psychose » paru en 1999. Partant de la schizophrénie, il contredit et prolonge créativement certains aspects de la théorie lacanienne. Plusieurs d’entre nous les relisent encore aujourd’hui. C’est à cette époque que nous l’avons invité plusieurs fois à Bruxelles pour nous parler non seulement de ses livres mais aussi de « l’écriture comme acte » et de « Ce qu’on est en droit d’attendre d’une psychanalyse ». Il avait l’art de rendre la psychanalyse accessible à un large public sans pour autant verser dans une vulgarisation insipide. C’était des rencontres toujours très vitalisantes. Car il était un collègue dynamique, hyperdoué mais sans mépris pour l’autre, travailleur aussi mais toujours souriant, mélangeant, avec brio, vie amicale et collégiale. Il incarna pour nous celui qui ne cède pas sur son désir tout en tenant compte du désir de l’autre. Était-ce parce que le champ analytique français était pour lui trop étroit, ou trop encombré ? Quoi qu’il en soit, il décida à notre très grand regret, de partir vivre à Boston et enseigner l’anthropologie à New York. Par ailleurs, ses livres étant traduits au Brésil, il alla les y présenter et le voilà installé à Porto Allègre, parlant aussi bien le brésilien qu’il ne parlait le français sans trace de sa langue maternelle. En 1989, il y fonda avec quelques autres brésiliens l’association psychanalytique de Porto Allègre dont il devint le premier président. Un grand journal de Sao Paolo, lui demanda une chronique hebdomadaire. Il en écrivit plusieurs milliers, publiées aujourd’hui sous forme de trois livres. Il n’hésitait à dire ce qu’il pensait, notamment qu’au Brésil « l’idée du bien commun était la chose la plus dérisoire » et qu’en ville, il avait toujours « la crainte de se faire braquer ». Ce qui ne nous étonne pas : un soir que nous dînions chez lui, à Paris, il nous avait surpris par sa fascination toute déclarée pour cette société où la loi de la jungle l’emportait souvent sur celle des législateurs. Un jour, un groupe de psychanalystes de Sao Paulo l’invita à le rejoindre. Il finit par s’y installer. Voyageur infatigable, il enseigna aussi au Chili et chaque mois retrouvait son Italie natale. Au Brésil, il poursuivit sa carrière universitaire, publia plusieurs romans sur l’amour et notamment
« Conto do Amor » qu’il présente comme semi autobiographique. Toujours soucieux de faire connaitre la psychanalyse au grand public, il créa, avec son fils Max, une série télévisée intitulée « Psi » qui compta quatre saisons. Tout ceci en publiant plusieurs livres de psychanalyse qui ne sont malheureusement pas (pas encore ?) traduits en français.
Patrick De Neuter et Nicole Stryckman Avril 2021
Raymond Aron, est décédé à l’âge de 86 ans. Membre fondateur du Questionnement psychanalytique, il explique l’histoire de ce dernier dans un article « Le questionnement psychanalytique : à l’épreuve de son histoire ». Il y reprend les moments cruciaux du mouvement lacanien en Belgique. Dans cet article, dépassant la description des faits, il témoigne de son souci de l’éthique analytique, de sa recherche d’un fonctionnement institutionnel cohérent avec les visées de la cure, du refus du Maître et d’une cure de formation menée suffisamment loin. Raymond est aussi l’auteur de deux livres. Le premier intitulé « Jouir entre ciel et terre, les mystiques dans l’œuvre de Lacan ». Dans le second, intitulé « Trace du désir et proximité de l’abîme », il pose la question de savoir comment atteindre une formes jouissance sans s’y perdre. Raymond fut un collègue à la fois respectueux et rigoureux et un ami souriant et bienveillant qui restera longtemps encore dans nos mémoires.
Nicole Stryckman et Patrick De Neuter Avril 2021
C’est le 8 novembre que la mort nous a enlevé Moustapha Safouan dans son sommeil. Il avait 99 ans. Né à Alexandrie dans une famille de militants communistes dont le père était un amoureux de la langue et des jeux avec la langue, le jeune Moustapha s’engagea dans l’étude de la philosophie tout en s’efforçant d’apprendre le latin, le grec, le français, l’anglais et l’arabe classique. Découvrant l’œuvre de Freud, il décida de se rendre en France pour se former à la psychanalyse. Il fit son analyse avec Marc Schlumberger de la Société psychanalytique de Paris, puis il s’engagea dans un contrôle avec Lacan dont il devint un des plus fidèles élèves. Il participa largement à la diffusion de l’enseignement de Lacan par ses nombreuses publications (une quinzaine de livres et de très nombreux articles de revues et chapitres de livres collectifs). À cheval sur plusieurs langues et plusieurs cultures, il le fut aussi sur plusieurs lieux par le partage de son temps de clinique, de contrôle et d’enseignement entre Paris, Strasbourg et Marseille, sans compter ses séjours sur sa terre natale. Dans l’École freudienne de Paris, il occupa diverses fonctions importantes : il fut ainsi membre du jury d’agrément, statuant en fin de procédure de la passe, procédure dont il a pu percevoir les impasses. De ses premières publications, je retiendrai ici « Le Structuralisme en psychanalyse » in Qu'est-ce que le structuralisme ? Paris, Seuil, 1973 ; Études sur l'Œdipe ‒ Introduction à une théorie du sujet, Paris, Seuil, 1974 ; La sexualité féminine dans la doctrine freudienne, Paris, Seuil, 1976 ; L'Échec du principe du plaisir, Paris, Seuil, 1979 ; et L'Inconscient et son scribe, Paris, Seuil, 1982. Plus tard, il se risqua à publier Pourquoi le monde arabe n’est pas libre : politique de l’écriture et terrorisme religieux, (traduit de l’anglais par Catherine et Alain Vanier), Paris, Denoël, 2008. Il se distingua aussi en traduisant en arabe L’interprétation des rêves (1959), La phénoménologie de l’esprit (1981) et Othello (1998)[1].
Plusieurs Belges de diverses associations s’engagèrent dans un travail avec lui : lecture approfondie de ses livres, rendez-vous de contrôle à Paris et invitations pour conférences-débats à Bruxelles. En 2002, lors de la fondation de notre Espace analytique Belgique, nous lui avons demandé d’en devenir membre d’honneur, ce qu’il accepta non sans un questionnement où se mêlaient humour et ironie sur cet honneur. Il accepta aussi de contribuer à un numéro sur l’Amour de la revue les Cahiers de psychologie clinique[2] et d’assumer un de nos samedis de Bruxelles ; c’était le 26 avril 2014 sur « l’historique. et la clinique de l’objet « a ». Entretemps, les rencontres se poursuivaient tantôt à Paris lors des journées d’étude organisées par nos collègues d’Espace analytique-France, tantôt lors des congrès de la Fondation européenne de psychanalyse qu’il avait fondée en 1991 avec Claude Dumezil , Charles Melman et Gérard Pommier. Entre autres, à Barcelone, Berlin, Dublin, Rome, Paris, et dans son village refuge de Mazara del Vallo (Sicile). Notre dernière rencontre bruxelloise date du 29 mars 2014. Au cours de cette journée organisée avec deux associations amies, nous l’avons questionné sur les différents chapitres de son livre : La psychanalyse, science, thérapie et cause (éd. Th. Marchaisse, 2013) dans lequel, mémoire vivante du champ freudien, Moustapha Safouan présente tout d’abord une histoire du mouvement freudien où il est question de Rank, de Ferenczi, du comité secret, des effets thérapeutiques de l’analyse et de l’idée indéfendable de la transmission comme fatalement familiale. Il aborde ensuite les éléments fondamentaux de la psychanalyse lacanienne, comme le signifiant et le signifié, le phallus, l’Œdipe, le Nom-du-père et les sexuations masculines et féminines, et, enfin, la jouissance supplémentaire. Dans sa troisième partie, il évoque la « saga » lacanienne. Il aborde sans ménagement les impasses de l’École freudienne de Paris et celles de l’expérience de la passe. Il précise aussi ce qu’il considère être les causes de ces difficultés et impasses, témoignage très précieux pour celles et ceux qui veulent éviter que leur institution se fourvoie dans ces mêmes difficultés et échecs de la transmission. Ce ne fut pas sa dernière publication ni son dernier séminaire. Il était aussi infatigable intellectuellement que physiquement. C’est ainsi qu’il gravissait sans difficulté les escaliers qui le menaient au septième étage d’un immeuble parisien où nous attendait un couple d’amis. C’est ainsi aussi qu’il poursuivait depuis plusieurs années un séminaire à Espace analytique-France, dont il était devenu Membre d’honneur. Parallèlement, il participait à de nombreux revues et ouvrages ‒ entre autres : « Actualité du complexe d’Œdipe » in Actualité de la psychanalyse (Érès, 2014) ou encore « Misère névrotique et misère ordinaire » in Les entretiens préliminaires à une psychanalyse (Érès, 2016). Bien plus, il publiait ses derniers livres : La civilisation post-œdipienne, Paris, Hermann, 2018 et L’inconscient à demi-mot, avec Sylvain Frérot, Paris, Éditions des Crépuscules, 2020.
Il nous a quittés, mais ses nombreux écrits restent disponibles à ceux qui le souhaitent, ainsi que ses multiples interviews audio et vidéo sur la toile.
Patrick De Neuter, Analyste Membre d‘Espace analytique-France et co-fondateur d’Espace analytique Belgique
[1] Une bibliographie complète se trouve sur le site de l’École psychanalytique de St Anne. https://www.epsaweb.fr/moustapha-safouan-1921-2020/
[2] N’ayant pas pu être prise en compte pour des raisons techniques, cet article est paru sous le titre « Amour et altérité » in Cliniques méditerranéennes, 2004/1, 69, pp. 13-19.
Lina s’en est allée ce 17 janvier 2014 sans crier gare. Gare à ce moment où nous ne pourrions plus l’entendre, plus la rencontrer, plus partager la vie avec elle. Bien sûr nous n’étions pas, collègues et amis, sans savoir qu’elle menait depuis deux ans une lutte acharnée contre des cellules « tueuses ». Mais, c’est à l’orée d’une nouvelle étape de lutte que la mort nous l’a raptée.
Lina c’était d’abord la musicalité d’une voix aux tonalités si chantantes qu’avant même de découvrir la femme qu’elle était, nous étions transportés immédiatement vers le paradis d’Ischia, île de beauté de la baie de Naples qui a inspiré tant d’artistes. C’était aussi un sourire, intense, irradiant, qui invitait à la vie au-delà de ses tourments et ses épreuves. Nous ne pouvions qu’être séduits par son élégance rare, distinguée, raffinée si d’aventure nous croisions son chemin. Ces derniers mois, elle portait le jaune éclatant avec un port majestueux.
Mais, si nous avions la chance de croiser de temps à autre son chemin, c’est alors et avant tout une grande dame de la psychanalyse belge que nous découvrions, proche de Joyce McDougall, de Nathalie Zaltzman, de Jacques André et bien d’autre. Passionnée par La question des origines dans la pensée freudienne, elle en fit une thèse et, plus tard, un livre qui fut réédité plusieurs fois. De plus, sa passion irradiait sur ceux qu’elle rencontrait, les mettant eux aussi au travail dans son sillage. Deux nouveaux ouvrages ont ponctué ces aventures passionnées, Défis de Parole, et Au plus près de l’expérience psychotique. Elle nous entrainait encore, et toujours, à penser les questions métapsychologiques infinies que pose la psychanalyse. Son désir de transmettre l’amenait aussi à s’engager pleinement dans différentes institutions qu’elle avait co-fondées ou investies. L’école belge de psychanalyse, Le chien vert, le Cfcp, l’Apsy, l’Apppsy. En 2008 avec trois autres collègues, elle s’engagea dans la voie du dialogue entre freudiens et lacaniens. Naquit alors de ce travail précieux le livre Ce qui est opérant dans la cure, qui reçut le prix Oedipe.
La perte soudaine de Lina dévoile notre impuissance radicale devant l’arrêt brutal imposé par sa disparition. A n’en pas douter pourtant, Lina nous accompagnera encore longtemps, nous habitant de son sourire, de sa voix, de ses signifiants insistants lorsqu’elle parlait de clinique : déployer, surprise. Subsistera en nous la force du désir de travail qu’elle nous a transmise y compris pour nous aider à faire face à l’implacable déraison que la mort nous impose.
Espace analytique Belgique présente à son compagnon, ses enfants, sa famille ses plus sincères condoléances.
Danielle Bastien, vice-présidente d’Espace analytique Belgique
Le 22 janvier 2014
Elisabeth d’Alcantara (née Czarnocki) a rejoint en septembre 2010 le petit groupe d’analystes qui se réunissait pour penser l’éventuelle création d’un Espace analytique Belgique. Elle avait été sensible au dynamisme conjoint au souci de rigueur hors dogmatisme qui se dégageait du projet. Hélas, la maladie s’est déclarée et elle dut rapidement restreindre sa participation à nos activités. Elle avait néanmoins conservé le groupe d’intervision transassociatif qui réunissait des participants d’Espace analytique et de l’Ecole belge de psychanalyse aux travaux de laquelle elle avait participé depuis plus de 20 ans. Ses différents collègues analystes ont été frappés par son écoute de l’autre, son désir de travail, son intérêt pour la clinique (spécialement pour les questions transférentielles) et par son ouverture aux références diverses.
Parallèlement à son activité de psychanalyste en libéral, elle était pleinement engagée depuis 1979, dans le travail en Service de Santé mentale plus précisément au « Safran » ex-centre de Guidance de Braine l’Alleud. Sa clinique, toujours orientée avec enthousiasme et fermeté par la psychanalyse y fut variée et créative. Elle tint tout particulièrement à son engagement dans la clinique avec les tout petits et leurs parents dans le projet spécifique du "Gerseau", mis en place par le service, dans ses dernières années de pratique. Sa présence dans l'équipe laissera le souvenir d'une collègue dont les réflexions étaient toujours animées par la vivacité et l'humour vigoureux qui la caractérisaient. Elisabeth, par son aisance dans les contacts et aussi son désir d'apprendre fut, avec d'autres, à l'initiative de rencontres avec différentes personnalités du monde de la psychanalyse invitées au fil des activités et anniversaires du Centre. Il y a un an à peine, toute l'équipe du Centre rendait hommage en sa présence, à sa longue carrière à Braine l'Alleud.
Enfin, remarquée pour ses diverses qualités et compétences, les responsables de la Formation aux Cliniques analytiques avec les enfants s’assurèrent de son concours il y a quelque 5 ans. Elle y tint pendant trois ans un séminaire sur la clinique analytique avec les tout-petits.
C’est de son inaltérable désir de vivre, de sa rigueur sans rigorisme, de son ouverture aux autres et de son respect de la différence que nous nous souviendrons.
Espace analytique présente à son mari, ses enfants et petits-enfants leurs très sincères condoléances.
Patrick De Neuter, le 23 juin 2013
Psychanalyste, philosophe et écrivain, Jean-Bertrand Pontalis est décédé ce 15 janvier 2013 à l'âge de 89 ans. Membre titulaire de l’Association psychanalytique de France, nos collègues d’Espace-France devaient le recevoir ce 2 février dans le cadre de ses Salons de lecture à propos de son dernier livre « Freud et les écrivains » (en coll. avec E. Gomez-Mango).
Certains l'ont dit « paresseux contrarié ». Mais, si nous considérons sa bibliographie psychanalytique dont le toujours très précieux Vocabulaire de la psychanalyse - co-écrit avec J. Laplanche - qui accompagna les premiers pas de nombreux psychanalystes, ses fonctions d’éditeurs de la géniale Nouvelle revue de psychanalyse, sa direction de la nouvelle traduction de Freud et sa collection chez Gallimard Connaissance de l’inconscient, nous aurions envie de le décrire alors comme étant un « paresseux très contrarié ». Ajoutons, à son œuvre psychanalytique, une vingtaine d´ouvrages littéraires, reconnus dans le milieu de la littérature - lauréat du grand prix de littérature en 2011 - et très appréciée dans nos milieux psychanalytiques.
Analysant de Lacan, il prendra toutefois ses distances avec lui, s’en expliquant sans agressivité ni acrimonie. Opposé à toute dogmatisme, sectarisme et aliénation, ses écrits, éclairant pour tous, témoignèrent essentiellement d’un abord personnel de la psychanalyse. Soulignons encore que cette vie de travail était soutenue par de nombreuses rencontres d’un autre ordre : E. Piaf, J. d’Ormeson, J.P. Sartre, M. Merleau-Ponty, T. Foujita, E. Roudinesco, D. Pennac, C. Roy, J.P. Vernant, J. Drillon et bien d’autres. L’amitié était un bien très précieux pour lui. Aussi, nous ne résistons pas à la tentation de reprendre à J. Garcin, sa description de ce psychanalyste-écrivain hors du commun : « Sentinelle des rêves, philosophe mélancolique, géographe de l'incertain, écrivain de l'entre-deux, toujours à errer entre la nuit et le jour, le sommeil et l'éveil, le silence et la parole, l'enfance et l'âge adulte, le rêve et la douleur, la psychanalyse et la littérature, Freud et Flaubert, les deux rives de la Seine ».
Espace analytique Belgique présente à sa famille et à ses proches ses plus sincères condoléances.
PS : Ceux et celles qui voudraient non seulement le lire mais aussi l’entendre peuvent consulter ses interviews sur France culture, son témoignage dans le film sur Lacan d’Elisabeth Kapnist « La psychanalyse réinventée » et enfin ses deux longues et intéressantes interviews enregistrées par D. Friedman en réponse à la question « Qu’est-ce qu’être psychanalyste »
Collection de DVD « Etre Psy ». DVD n° 10 Jean-Bertrand Pontalis. Interview par Daniel Friedmann. Editions Montparnasse. http://videotheque.cnrs.fr
Claude Boukobza est morte le lundi 4 juin 2012. Elle a dirigé à plusieurs reprises cette revue et participé au comité de rédaction depuis sa création, mais cela ne suffit pas pour dire l’importance de sa place dans la qualité et le succès de cette publication. C’est aussi une collègue et une amie très proche qui nous quitte, avec qui nous n’avons cessé de partager les heurs, les bonheurs mais aussi les moments plus difficiles de la vie de la communauté analytique, en particulier, les aventures institutionnelles initiées par Maud et Octave Mannoni. Comme nous tous, elle avait bénéficié de cette liberté incroyable qu’ils rendaient possible pour ceux qui les accompagnaient. Ils ne voulaient pas d’élèves mais une transmission dans un « compagnonnage ».
Claude avait travaillé pendant les années 1970 au Centre Étienne-Marcel et fit partie, au début des années 1980, de l’aventure que fut la création du premier intersecteur de pédopsychiatrie de la Seine Saint-Denis, avec le Dr. Coen. Dans ce cadre, elle anima l’Unité d’Accueil Mère-Enfant de Saint-Denis, expérience à partir de laquelle elle publia de nombreux articles. Dans tous ces lieux institutionnels, Claude occupa un rôle de premier plan : responsable de l’UAME, membre de presque tous les bureaux du CFRP, puis d’Espace Analytique dont elle fut la présidente, directrice de cette revue Figures de la psychanalyse, etc.
Mais, avant tout, il y avait Claude Boukobza la psychanalyste. Claude avait fait des études de philosophie mais elle s’était rapidement engagée avec la passion et la détermination qu’on lui connaissait dans la psychanalyse. Analysante de Maud Mannoni, contrôlée de Françoise Dolto, elle a poursuivi la trajectoire de ses deux aînées en n’écartant jamais les questions sociales et politiques, surtout en institution, quand il s’agit de travailler avec des enfants et leurs parents qui sont, comme à Saint-Denis, dans une grande précarité psychique et matérielle. À Dolto et Mannoni, il faut associer Lacan et Winnicott qui lui servirent aussi de repères. À partir de Winnicott, elle développa une pratique institutionnelle : le holding du holding de la mère, de ces mères en détresse qui étaient accueillies à l’UAME. Repoussant les préjugés souvent tenaces de la communauté analytique, elle s’intéressa aussi à Anna Freud, à son approche des questions institutionnelles éducatives. Elle y trouvait matière à penser. Mais, surtout, elle soutint ce qu’on peut appeler l’école française de psychanalyse avec les enfants, qui implique un travail avec les parents et le souci de leur relation avec l’enfant. Ainsi le holding du holding maternel n’excluait pas, bien au contraire, la fonction tierce de l’institution qu’elle a aussi nettement développée.
Il faudrait parler des nombreux articles qu’elle a écrits, des multiples communications qu’elle est allée donner ici et là de par le monde, des ouvrages qu’elle a dirigés, etc.
Mais c’est aussi et surtout pour le groupe qui anime cette revue, la perte d’une amie dont la loyauté et la fiabilité étaient sans faille. Son courage et sa dignité ces derniers mois, alors que la maladie gagnait, étaient impressionnants ; jusqu’au dernier moment elle n’a jamais rien cédé sur tous ses engagements. Elle demeurera pour nous un exemple. Son désir infatigable soutiendra encore et pendant longtemps l’engagement de notre revue.
Catherine et Alain Vanier
Le mercredi 08 février 2012, Roland Geeraert est décédé à Bruxelles à l’âge de 62 ans des suites d’une crise cardiaque.
Roland, psychanalyste reconnu parmi ses pairs, a débuté sa formation à l’Ecole Belge de Psychanalyse. Toutefois, la référence lacanienne deviendra pour lui une référence incontournable quant à sa pratique d’analyste. Dans le climat ambiant de l’après dissolution de l’École Freudienne de Paris fondée par Lacan, il participe aux Rencontres freudiennes et à la création d’un petit groupe dénommé Mésalliance et ensuite Association des cartels freudiens. En 1982, avec quelques analystes belges, il fonde l’Association Freudienne de Belgique. Pourtant, fin 2009, il décide de quitter cette dernière, n’y trouvant plus l’institution analytique qu’il appelait de ses vœux. Il inscrit alors son travail à Espace analytique France et puis, en 2011, sous l’impulsion de quelques uns, il participe activement à la création d’Espace analytique Belgique où il occupait le poste de secrétaire de la commission accueil et admission. La présence de Roland au sein d’Espace analytique Belgique se manifestait tout autant par son humour, son ironie, ses remarques caustiques que par sa rigueur et ses mises en garde quant il avait le sentiment que nous nous égarions. Mise en garde que jamais il n’affirmait comme un maître aurait pu le faire mais plutôt comme un compagnon de route toujours prêt à se remettre en question.
Homme de dialogues et de rencontres, Roland avait accepté depuis de nombreuses années d’occuper la place de co-responsable du département adulte du service de santé mentale Chapelle-aux-champs où il consultait. Par ailleurs, formateur au Centre de Formation à la Clinique psychanalytique, de nombreux jeunes psychologues lui doivent leur ouverture à l’enseignement de Lacan tant son désir de transmission était important.
Enfin, comment ne pas évoquer cet autre thème essentiel pour lui dans sa pratique clinique et sa réflexion : ce lien indéfectible entre la psychiatrie et la psychanalyse. En effet, il consacrait une partie importante de son travail au sein du Service de psychiatrie des Cliniques Europe Saint-Michel.
Pour certains, Roland était devenu non seulement un collègue mais aussi un véritable ami. Il nous a considérablement apporté tant par son ouverture que par sa vivacité, sa disposition à créer des liens, son habileté à « penser tout haut » comme il le rappelait récemment encore lors d'une journée d'étude il y a quelques dix jours.
Aujourd’hui, les membres d’Espace analytique Belgique s'associent à sa famille en leur présentant leurs sincères condoléances.
Pour Espace analytique Belgique
Cédric Levaque, Président
Lettre d’un Collègue et vieil ami, par Patrick De Neuter
Bien Cher Roland,
Cela fait un fameux bail que nous nous sommes rencontrés toi et moi. T’en souviens-tu : Tu t’étais inscrit au premier séminaire que j’assumais en tant qu’assistant à l’université. Habité par mes angoisses de débutant, j’avais apprécié ton attention particulière, la vivacité de ton regard et la qualité de ton travail de fin de séminaire.
Quelques années plus tard nous nous retrouvions cliniciens au Centre Chapelle aux Champs. Rapidement nous avons noué des liens d’amitiés partagés avec nos épouses: W.E. à la campagne, soirées d’anniversaire, naissance des enfants : le plaisir était grand de se retrouver hors de nos lieux de travail. Ces lieux de travail en commun furent nombreux. Sans doute parce que plusieurs passions nous réunissaient. Notamment celle qui t’habitait pour la psychanalyse en tant qu’expérience de recherche d’un remède aux malêtres et malaises auxquels la vie nous confronte inévitablement et en tant que tentative de sortir des répétitions mortifères. Et ce ne fut pas seulement une expérience que tu voulais offrir aux autres : tu t’y es toi-même plusieurs fois engagé dans les moments difficiles de ta vie.
La transmission de cette expérience fut un souci qui te poursuivit tout au long de ton trajet professionnel. Tu participas ainsi à la création du groupe d’étude des psychoses, du Centre de formation aux cliniques psychanalytiques, de l’Association des cartels freudiens, de l’Association freudienne de Belgique et, hier, d’Espace analytique Belgique. Dans cet Espace, tu assumais la responsabilité de la commission chargée de l’accueil, l’admission et la transmission. Cette responsabilité t’allait comme un gant. En effet depuis longtemps tu avais été un maître de stage, un superviseur et un contrôleur avertis et estimé d’un grand nombre. Non Roland, ne fais pas le modeste. Ce n’est pas moi seulement qui le dis : de multiples mails reçus depuis l’annonce de ton décès le confirment. Nombreux et nombreuses sont ceux et celles qui ont trouvé auprès de toi, je les cite, « un accueil chaleureux, une attention très particulière, une présence paternelle bienveillante et soutenante dans les passages difficiles, voire les impasses inextricables de la clinique ». Nombreux sont ceux aussi qui furent frappés par ton exceptionnel sens clinique tandis que pour plusieurs tu fus « un incitateur à la prise de parole et à l’organisation de nouveaux espaces de transmission », « un dynamiseur du désir de travail". Les plus jeunes dans le métier ont aussi apprécié ton style accessible et néanmoins rigoureux et surtout cette façon que tu avais de transmettre l’art de la psychanalyse. Avec ton humour et avec tes remarques toujours précises et un peu décalées, tu faisais entendre quelque chose de ce qu’est l’analyse, loin des figures du maître et des savoirs d’une cause. Autrement dit encore, sans dogmatisme et avec un profond intérêt pour les nouvelles façons d’entrevoir et de concevoir la clinique.
Tes départs de plusieurs institutions analytiques pourraient être perçus comme le signe d’une certaine inconstance. J’y vois pour ma part, au contraire, une persévérance de ton souci d’inscrire ton travail dans un lieu qui permette une liberté de penser et de parler, un lieu où, comme tu l’écrivis un jour, « l’affiliation n’est pas allégeance », un lieu où se partage le souci « d’une lecture critique des œuvres fondatrices de Freud comme de Lacan » et, t’en souviens-tu, tu soulignais « critique » tandis que tu invitais les destinataires de ta lettre à relire « La servitude volontaire » d’Etienne de la Boétie.
Soit dit en passant, ce n’est pas le seul auteur non-analyste que tu m’as invité à découvrir ou à redécouvrir. Car tu étais un grand lecteur dans le champ et hors du champ de la psychanalyse et tu nous faisais régulièrement bénéficier de ces ouvertures.
Certaines de tes absences ont pu paraître un désinvestissement institutionnel. Elles étaient au contraire un retrait volontaire et discret (trop discret à mon goût) du groupe lorsqu’il ne correspondait plus à ta conception de la psychanalyse. Et comme tu n’étais pas un révolutionnaire, tu préférais quitter sur la pointe des pieds plutôt que de te lancer dans d’âpres polémiques. Sur la pointe des pieds, comme tu nous as quitté mercredi dernier, certes très brusquement mais en quelque sorte, à nouveau, sans faire de bruit.
Cela étant, il y avait aussi ta santé qu’il fallait à tout prix protéger depuis ton accroc de 2007, suite auquel tu t’es trouvé dans l’obligation de réaménager ton style de vie et d’alléger ton travail. Mais tu nous étais revenu depuis quelques mois plein d’allant et de confiance dans la vie : seulement une sourde inquiétude dont tu parlais peu. Tes médecins t’avaient mis en garde : le risque d’accidents vasculaires restait bien présent.
Une autre caractéristique se dégage de ce retour en arrière sur ces années d’amitié fidèle et de travail en commun : ton désir d’inventer et de créer. Tu le soulignais déjà dans un texte ancien sur la transmission de la psychanalyse : celle-ci, écrivais-tu, ne se fait pas dans la répétition mais dans la réinvention. Et cette option pour la réinvention tu l’as mise en pratique non seulement dans le privé de ton cabinet mais aussi dans le public des institutions. J’ai évoqué en début de lettre ces divers lieux que tu as contribué à créer
Sache que tu vas donc beaucoup nous manquer. Ou plutôt, que tu nous manques déjà énormément, extrêmement, «sacrément», comme me l’ont écrit certaines et certains.
Voilà, bien cher Roland, ce que nous voulions te dire en guise d’adieu.
Et il te plaira, je pense, que je termine en faisant part à tes collègues, amis, enfants et maman d’une de ces croyances qui nous sont communes.
Il y a des manques qui, bien que très douloureux, peuvent se muer en forces nouvelles
Il y a des pertes qui, même cruelles, peuvent être l’occasion de nouveau départ
Il y a des vides qui ne sont pas des gouffres dans lesquels on s’anéantit, mais qui, peuvent devenir mine de matériaux précieux et sources de nouvelles énergies
À condition qu’on ne comble pas ce vide par les artifices de l’oubli mais
Qu’on les borde par le souvenir des défunts
À condition aussi que les survivants se serrent les coudes
Qu’ils s’accordent et s’encordent solidairement pour les explorer avec précautions
À condition enfin qu’ils se nourrissent des valeurs qui étaient chères au disparu
C’est ce que je nous souhaite à toutes et à tous
En mémoire de toi
Ton collège et vieil ami, Patrick
Ce 24 aout 2011, Joyce Mc Dougall est décédée à Londres à l’âge de 91 ans. Les membres d’Espace analytique Belgique s'associent à la perte de sa famille et de ses proches.
Si Joyce Mc Dougall, psychanalyste internationalement reconnue, débute sa formation à Londres, c’est toutefois dès 1953, dans le climat ambiant des conflits qui allaient donner lieu à la première scission, qu’elle arrive à Paris. Même si elle participe au séminaire de J. Lacan, elle choisira d’inscrire son travail au sein de la Société psychanalytique de Paris où elle deviendra membre Titulaire formateur et ensuite, membre d'Honneur.
Joyce Mc Dougall publiera de nombreux ouvrages dont notamment « Plaidoyer pour une certaine anormalité » (1978), « Théâtre du Je » (1982), « Théâtre du corps » (1989), et « Eros aux mille et un visages » (1992).
Dans chacun de ces écrits, l’expérience clinique de l’auteur est au rendez-vous. La qualité et le style de Joyce Mc Dougall permettent de nous dévoiler le cheminement d’une pensée avec ses doutes, ses difficultés, ses incompréhensions mais aussi et surtout sa finesse et son habileté clinique.
Son œuvre, que nous pourrions qualifier de « psychanalyse vivante », est, entre autre, une des tentatives les plus probantes pour théoriser les différentes problématiques addictives. Dans la perspective dynamique et économique qu’elle développe au fil de ses écrits, Joyce Mc Dougall place l’économie de l’affect au centre des problématiques addictives en développant notamment le concept de désaffectation. Ce concept renvoie au fait que le sujet est incapable de reconnaître son expérience émotionnelle. Les affects et les idées qui leurs sont associées sont simplement rejetés, désavouées par la conscience. Cette désaffectation est, selon elle, un processus dont le sujet est inconscient.
Joyce Mc Dougall accorde également une importance particulière à la relation contre-transférentielle et transférentielle dans les cures de personnes dépendantes. Là où l’analyste peut se sentir menacé dans son identité même d’analyste en étant comme paralysé dans sa fonction de pensée, en difficulté de concentration, irrité, voire découragé dans son travail, etc., Joyce Mc Dougall indique que nous sommes, à ce moment là, au cœur de ce qu’il y a à capter de l’adresse de notre patient. L’analyste est en fait d’avantage affecté par des signes sensori-moteurs que par le discours de son patient. Le transfert est donc ici tout à fait différent de celui que nous pourrions rencontrer dans la névrose ou dans la psychose. Il s’agit d’un « transfert fondamental sur la base de la communication primitive ».
De nombreux autres sujets intéressaient également Joyce Mc Dougall dont notamment la clinique psychosomatique et la bisexualité. Mais, au-delà de ces différentes thématiques, elle est principalement à l'origine du concept de normopathie. Concept qui problématise la tendance conformiste qui se manifeste dans le comportement humain et son rapport à la santé psychique.
Pour les membres d’Espace analytique Belgique
Cédric Levaque, Président.
Ce mois d’octobre, le Dr. Pierre Bastin est décédé à Lille, entouré de son épouse et de ses enfants et petits-enfants. Analysant de Lacan, il fut membre de l’ex-Ecole freudienne de Paris, fondée par Jaques Lacan. En 1975,1976, 1977, il vint pendant deux ans à Bruxelles assurer avec Elie Doumit un séminaire mensuel d’introduction à Lacan dans le cadre des activités de Formation du Centre Chapelle aux Champs de l’Université de Louvain. Plus tard, il a participé à certaines réunions du Groupe d’étude des psychoses, premier GEP du Centre Chapelle-aux-Champs. Après la dissolution de l’École freudienne de Paris, Pierre Bastin rejoint les Cartels Constitutants puis l’Association freudienne internationale (aujourd’hui Association lacanienne internationale) mais la quitta bientôt, n’y trouvant pas l’institution analytique qu’il appelait de ses vœux. Depuis lors il avait renoncé à tout insertion institutionnelle. Plusieurs belges lui doivent leur ouverture à l’enseignement de Lacan. Pour certains, il était devenu non seulement un collègue mais ce que l’on peut appeler un véritable ami. Nous lui en sommes très reconnaissants et présentons nos très sincères condoléances à son épouse et à ses enfants.
Nicole Stryckman, Patrick De Neuter et Roland Geeraert
Notre collègue Zoltan Veress nous a quittés ce 13 décembre, sereinement, entouré des siens, après une longue maladie contre laquelle il a lutté avec un remarquable courage. Né en Hongrie en 1932, il rejoignit la Belgique pour échapper à la répression de l’insurrection de Budapest de 1956. Il fut d’abord pour nous un collègue à l’École Belge de psychanalyse. Progressivement, il devint l’ami Zoltan.
Nous l’avons depuis toujours connu très soucieux d’une clinique psychanalytique d’orientation lacanienne, mais néanmoins accessible aux moins fortunés et effectivement désaliénante. Il tenait beaucoup à ce que l’institution analytique soit autant que possible démocratique et le rapport à la théorie tout sauf dogmatique. C’est peu dire qu’il avait beaucoup de sympathie pour son compatriote Sandor Ferenczi dont il était un lecteur assidu. Ces convictions, que nous partagions avec lui, nous ont conduits à créer avec une douzaine d’autres collègues les « Cartels freudiens » rebaptisés deux ans plus tard « Mésalliances », premier signifiant freudien pour désigner le transfert. Néanmoins, nos chemins analytiques se séparèrent lorsque nous nous engageâmes dans la création de l’Association freudienne à Paris d’abord à Bruxelles ensuite. Il craignait que cette Association n’aille tôt ou tard à l’encontre de ces valeurs qu’il défendait depuis longtemps : la répartition démocratique du pouvoir, la désaliénation des sujets, le rapport irrévérencieux aux maîtres et non dogmatique à la théorie. Notre groupe se scinda et il participa à la création du « Questionnement psychanalytique ». Cela ne nous empêcha pas de conserver de précieux liens d’amitiés et de nous retrouver en diverses circonstances de travail et de loisirs. C’est d’ailleurs avec un réel plaisir qu’il accueillit l’an passé, la nouvelle de la création de l’Espace analytique Belgique.
Que la célébration du 18 décembre rassemble autour de son cercueil une foule d’amis, de connaissances et de collègues de tous bords, analytiques et autres, témoigna de ce que fut sa grande ouverture d’esprit, son réel intérêt pour l’autre et les indéfectibles amitiés qu’il créa et entretint tout au long de sa vie. Merci à Anne Capet, son épouse, à ses enfants Matyas, Natacha et Tatiana, et à leurs amis, d’avoir organisé cette émouvante célébration d’adieux et le long moment de retrouvailles qui s’en suivit, tout à son image.
Nicole Stryckman et Patrick De Neuter.