De l’infans à l’adulte : le temps et la mémoire chez Piera Aulagnier
Alain Vanier
2025
Topique 2025/1 (n°163), pp 75-82, Paris, A2iP
Je ne suis pas un spécialiste de la pensée de Piera Aulagnier, mais je me suis appuyé sur son travail, sur sa conception du temps, de l’originaire, et c’est de cela dont je vais vous parler, de la façon dont je me suis servi de ses avancées, sans doute en les détournant, pour éclairer une expérience, une pratique à laquelle je me suis trouvé confronté par un effet de hasard, celui d’un concours de recrutement hospitalier, il y a maintenant près de quarante ans. Je me suis alors retrouvé avec la responsabilité de la psychiatrie de liaison dans un hôpital où il y avait un service de gynéco-obstétrique dans lequel je passais la plus grande partie de mon temps, service qui accueillait des grossesses problématiques, principalement des mères psychotiques enceintes, puis, dans le post partum, avec leur nouveau-né pendant quelques mois. Or la façon dont elles pouvaient s’occuper de leur nourrisson, comme la façon dont elles pouvaient anticiper leur venue était tout à fait particulière, et me semblait éclairer à rebours ce qui se passait dans les situations qu’on peut dire « normales ».
Je donnerai deux exemples rapides pour donner un aperçu de ce à quoi m’a confronté, je dois dire assez brutalement, cette expérience.
Tout d’abord celle d’une jeune femme diagnostiquée schizophrène et qui a tout au long de la grossesse, ou plus exactement à partir d’un certain moment, qui me semblait être le moment où le fœtus ou le bébé s’est mis à bouger dans son ventre, n’a plus voulu quitter le même long t-shirt jaune qu’elle portait…